Le temps passe et chacun le perçoit différemment, selon le contexte, selon son histoire. Le photographe tente de le retenir. C’est probablement la raison pour laquelle j’utilise ce médium : l’appareil fige l’instant, tout en produisant les conditions nécessaires à son extension.
Les sujets photographiés sont dépourvus de marqueurs spatio-temporels. Ainsi, une datation précise est impossible, ce qui me permet d’échapper à l’anecdotique par une temporalité floue, un suspens du temps.
Mes recherches se font par le biais d’une déambulation, propice à la réflexion, sorte d’introspection où néanmoins mes yeux sont en alerte, recherchant un cadrage, une composition de l’espace, qui va déclencher l’acte de prise de vue. J’utilise l’expression « prise de vue » car il s’agit d’arracher quelque chose au monde, pour me l’approprier, sans doute pour pallier un défaut de mémoire, ou encore pour échapper à mon statut de mortel.
Mes images fonctionnent généralement en série, chacune d’elles étant comme un arrêt sur image qui répond à ma pause photographique. C’est donc leur juxtaposition qui leur donne leur cohérence, en invitant le spectateur ou le lecteur à créer son propre rythme (en tournant les pages du livre ou en se déplaçant), afin de s’approprier ces images en créant son propre parcours mental.